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2 mai 2010 7 02 /05 /mai /2010 23:46

Les premiers résultats trimestriels de 2010 des équipementiers en réseaux de télécommunications sont l'occasion de pirouettes journalistiques qui montrent bien la complexité de l'analyse, et la perplexité des commentateurs; ainsi a-t-on vu Les Echos.fr changer précipitamment de titre d'article le 23 Avril dernier, passant en milieu de journée d'un pessimisme noir sur la baisse des résultats nets d'Ericsson à un plus souriant "les trimestriels d'Ericsson réveillent le titre". L'analyse stratégique du secteur ne manque pas d'intérêt car les risques et les opportunités s'affrontent dans une bataille sans merci, et les acteurs majeurs ont entamé une transformation drastique de leur modèle économique pour éviter de subir le sort funeste de Nortel.

 

ericssonRegardons de plus près les résultat du leader mondial Ericsson: au premier trimestre 2010, le suédois a maintenu une marge opérationnelle à deux chiffres (10%), et cela malgré une baisse très sensible de ses ventes par rapport au même trimestre en 2009. Ce résultat est à saluer tant le marché des infrastructures de réseaux fixes et mobiles a fait souffrir les entreprises occidentales l'année passée, et continue d'être difficile: les ventes d'Ericsson ont en effet décliné de 9% (et même de 16% à taux de change constants). Sur la même période, le concurrent finlandais Nokia-Siemens-Networks (NSN) a présenté une baisse des ventes identique mais une marge opérationnelle tout juste positive (0.6%), soit de dix points inférieure à celle d'Ericsson. Cette différence (énorme!) est rarement commentée, et Ericsson fait bien de rappeler dans la présentation de ses résultats qu'il reste leader incontesté des réseaux mobiles, plus fort en terme de ventes que ses deux poursuivants réunis. Le résultat est beaucoup moins probant dans les réseaux fixes, et encore moins dans l'activité de croissance, intitulée "Multimédia", qui montre de sérieux signes de faiblesse avec une baisse des ventes de près de 30% par-rapport à T12009, et des pertes opérationnelles importantes (-13%).

 

Si l'on poursuit la comparaison entre les deux rivaux scandinaves, on se rend compte de l'importance de plus en plus grande de l'activité de services qui représente 40% des ventes d'Ericsson au premier trimestre, en progression de 3% par-rapport à 2009. Les services contribuent à hauteur de plus de 48% des ventes de NSN sur la même période. Ces grands équipementiers suivent donc en partie la même stratégie qu'IBM à partir de 1993, cherchant dans les services la croissance et la profitabilité perdue dans les matériels et logiciels dont la valeur ajoutée baisse drastiquement car les coûts de R&D restent très importants.

 

FCCUn autre aspect intéressant est la stratégie de différentiation géographique: Ericsson a réussi à s'implanter de façon majeure en Amérique du Nord, les Etats-Unis représentant à eux seuls 19% des ventes du groupe au premier trimestre, grâce notamment à l'achat des actifs CDMA/LTE de Nortel. Sur la même période, NSN réalisait seulement 5.6% de ses ventes en Amérique du Nord. Ce positionnement d'Ericsson est particulièrement pertinent étant donné les efforts d'investissement très importants que les opérateurs mobiles américains ont déjà commencé à mettre en oeuvre, sous l'impulsion du plan "très haut débit" de la FCC.

 

LTE2Les opportunités du secteur sont fortement liées à la croissance rapide des usages de l'internet mobile et à la multiplication des objets communicants, dont Ericsson annoncent qu'ils dépasseront en nombre 50 milliards dans le monde en 2020. Les réseaux devront bien absorber ce trafic gigantesque qui commence déjà, sous l'influence de terminaux ergonomiques et performants, à congestionner les réseaux à certaines heures du jour dans les zones les plus denses. Le succès grand public des tablettes connectées en 3G ne fera que renforcer ce phénomène. Confrontés à des plans d'investissement massifs en 3G/4G et en fibre optique, les opérateurs jouent la carte de la concurrence acharnée entre les équipementiers. Ericsson, NSN et Alcatel-Lucent se heurtent ainsi à la concurrence chinoise de Huawei et ZTE dont la croissance insolente explique en partie l'affaissement des marges des fournisseurs occidentaux. Par-ailleurs, par l'acquisition de Starent, le poids lourd Cisco est entré lui-aussi dans la compétition pour la fourniture d'éléments de coeur de réseaux mobiles, en attendant peut-être de nouvelles acquisitions pour compléter sa gamme. Cette concurrence acharnée explique la transformation vers les services et la mise en place de zones de prééminence géographique (Huawei et ZTE peinent encore à accéder au marché nord-américain).

 

2010 sera sans aucun doute une année de transition. Les équipementiers luttent pour garder un rôle stratégique auprès des opérateurs, que leur subtilisent de plus en plus les grands acteurs de l'internet. Cette inversion est peut-être le symptôme le plus inquiétant de tous: elle illustre les difficultés de l'industrie traditionnelle à anticiper et comprendre l'importance structurelle du "cloud computing", et ses conséquences sur les réseaux.

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