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15 juillet 2011 5 15 /07 /juillet /2011 18:27

boussole"La France est en passe de manquer le virage du numérique, et le retard qu’elle prend aujourd’hui risque de  s’avérer rapidement irréversible."

 

"Après avoir été en avance sur le haut débit, fixe et mobile,  notre pays marque le pas et peine à relever le défi du très haut débit, qui conditionnera pour  les décennies à venir la croissance de ses entreprises et le bien-être de sa population."

 

Mais quel est donc le lanceur d'alertes qui exprime en des termes aussi virulents le fait que le véhicule "France" soit au bord de la sortie de route, n'ayant su aborder le virage du très haut débit avec la vitesse et la détermination qui lui permettraient d'éviter "un inéluctable déclin"? Un Sénateur, Hervé Maurey, dont le rapport d'information daté du 12 Juillet dernier exprime avec force et conviction le manque de cohérence de l'action gouvernementale depuis quelques années dans le domaine du numérique. Disparition du secrétaire d'Etat en charge de ce domaine, non suivi des orientations d'Octobre 2010 (notamment s'agissant de l'abondement du Fonds d'Aménagement Numérique des Territoires), manque d'ambition et de stratégie d'excellence nationale dans ces infrastructures de pointe.

 

walledgardenC'est en ces mêmes termes que plusieurs représentants de l'industrie ont exposé leur point de vue à Bruxelles mercredi dernier. Le déploiement du très haut débit est en retard par-rapport aux objectifs posés dans "l'agenda numérique 2020" de la Commission. "L'Europe a besoin d'entreprises saines, désireuses et capables d'investir. Les acteurs qui ajoutent de la valeur devraient être encouragés par des mesures incitatives adaptées", peut-on lire dans le document remis à Neelie Kroes par le groupe de travail piloté par Vivendi, Deutsche Telekom et Alcatel-Lucent.

 

L'enjeu de ces débats est passionnant. L'Etat doit répondre au défi des milliards d'euros d'investissement à venir dans le très haut débit de manière stratégique, et s'assurer d'une régulation qui puisse satisfaire à la fois les entreprises, les collectivités locales et les utilisateurs. Et les acteurs privés doivent faire preuve d'innovation pour garder leur place dans la chaîne de valeur des technologies de l'information depuis qu'une nouvelle bataille fait rage entre les acteurs de l'Internet et les opérateurs de réseaux, les seconds reprochant aux premiers d'utiliser leurs infrastructures sans contribuer à leur construction ou à leur maintenance.  

 

droit à l'oubliOr c'est au franchissement d'un autre virage que nous assistons; l'affrontement entre opérateurs et grands fournisseurs de services laisse place à l'émergence de nouvelles alliances stratégiques qui vont contribuer à changer certains modèles économiques et, espérons-le, accelérer l'investissement dans le très haut débit. Stéphane Richard le faisait remarquer au Forum des Telecoms et du Net organisé par les Echos: "j'ai évolué sur le sujet des relations avec les géants de l'internt; d'un affrontement frontal, nous passons aujourd'hui à un mode de partenariat prometteur". Le plus probable est que ces partenariats aboutiront à des offres de services premiums, à ces classes de première, business et éco qui sont notre quotidien dans l'industrie des transports. Rien de nouveau à cela depuis que Verizon et Google avait déjà émis des propositions claires à ce sujet, il y a un peu moins d'un an. Il semble aujourd'hui que ce type d'accord soit en passe de se propager en Europe, à condition que les règles de la neutralité de l'internet ne soient pas trop restrictives.

 

Libérer l'investissement privé, permettre à de nouveaux marchés de se créer sans pour autant priver l'utilisateur final de sa liberté d'internaute et de l'accès à tous les contenus: la réponse au cri d'alarme du Sénateur Maurey se trouve aussi dans ce délicat imbroglio réglementaire, car l'Etat à lui seul ne parviendra pas à mobiliser les capitaux nécessaires à la couverture de ses territoires. Il faut impérativement lier les 33 propositions du rapport d'information au cadre plus général, européen celui-là, d'une plus grande liberté donnée aux usages intelligents des réseaux et à leur monétisation, dans le strict respect de la concurrence et des utilisateurs.

 

"La fibre optique et la 4G, soit les deux technologies qui devraient porter  demain la majorité des données numériques, en accès fixe et mobile, n’en sont qu’à leurs balbutiements", écrit encore fort justement le Sénateur Maurey. Pour que la France porte haut l'excellence industrielle historique dans le domaine des télécommunications, et double ses concurrents dans la ligne droite qui succédera au virage difficile d'aujourd'hui, il faut un Etat chef d'orchestre de long-terme, et une industrie forte qui trouve un équilibre entre nouveaux services à valeur ajoutée et objectifs d'aménagement du territoire.

 

 

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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 13:20

antenneCa y est! Enfin, l'ARCEP (l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et le gouvernement ont indiqué qu'ils finalisaient les conditions d'attribution des précieuses fréquences qui serviront à la mise en place du très haut débit mobile en France. L'appel d'offre sera lancé en mai, et l'attribution effective d'ici la fin d'année, ce qui signifie que les fonds débloqués par les opérateurs lauréats le seront aussi fin 2011. Les débats acharnés entre les tenants de l'aménagement du territoire, préférant des conditions de déploiement plus contraintes au risque de voir baisser les prix d'attribution, et les tenants d'enchères libres qui prônent un produit financier maximal pour renflouer le budget de l'Etat, seraient-ils tranchés? Comment s'y retrouver dans ce feuilleton aux rebondissements nombreux, alors que plusieurs pays, Etats-Unis, Suède, Allemagne, pour ne citer que ceux-là, ont déjà attribué des licences et lancé des services commerciaux performants? 

 

Un sujet-clé semble mis à l'écart des commentaires sur ce dossier. Si le produit des licences fait la une des manchettes comme enjeu principal des débats, la destination des fonds n'est quasiment jamais évoquée, alors que celle-ci est assez fondamentale pour mieux comprendre la situation. A qui profiteront donc les recettes des licences?

 

  • - A l'armée. Oui, par décision du Président de la République. Il faut expliquer que ces licences étaient préalablement utilisées par l'armée pour les systèmes "Félin" et "Rubis", et que celle-ci a du trouver des systèmes de remplacement et prévoir le déménagement des infrastructures sans perdre ses capacités d'action. Voici ce qu'en dit le général Puget interrogé par la commission des finances de l'Assemblée en Avril 2010: " En mars 2008, une réunion interministérielle a acté que les déménagements seraient payés par les opérateurs. Ensuite, le Président de la République lui-même a annoncé des ressources exceptionnelles pour financer la loi de programmation militaire. Pour ce qui me concerne, il s’agit de la vente des fréquences."

 

 

budget-defense.jpg

 

  • - L'armée inclut donc dans son budget triennal 2011-2013 des recettes exceptionnelles dont une partie seulement proviendra des licences hertziennes, et une autre des ventes d'actifs immobiliers, au total pour plus de trois milliards d'euros en trois ans. Or, bien que les prix de l'immobilier de l'Ile de France soient au plus haut, et que la plupart des cessions prévues concernent des biens parisiens, un rapport parlementaire de 2010 s'inquiétait déjà de "l'échec de l'opération Vauban", et donc de retard pris dans le calendrier de la part immobilière des recettes exceptionnelles.  "L'objectif de produits de cession immobilière est fixé à 400 millions pour 2011", a néanmoins détaillé le ministre du Budget dans une communication en Conseil des ministres. Le produit des licences hertziennes doit donc impérativement arriver en 2011 pour ne pas voir le déficit se creuser, ce qui explique la pression mise sur le calendrier; dès lors, la récente proposition de Xavier Niel de repousser la date de l'appel d'offre a peu de chances d'aboutir.

 

 

niel-free-tva-hausse-internet-starck-xavier-jpg-292713-jpg_.JPG

      © Meigneux / Sipa

 

  • - L'armée prévoit trois milliards de ressources exceptionnelles sur trois ans, dont les deux-tiers provenant du produit des enchères sur les fréquences hertziennes. Or une analyse des prix de certaines cessions réalisées dans des pays voisins, notamment en Allemagne, permet d'envisager non pas deux, mais bien environ quatre milliards d'euros dans des conditions à peu près équivalentes, avec quatre opérateurs en lice et un prix atteint de l'ordre de 73 centimes/MHz/habitant pour les fréquences dans la bande du très prisé dividende numérique (790-862 MHz); cette valeur atteinte en France permettrait d'obtenir 2.7 milliards d'euros uniquement pour cette bande. Si on y ajoute la bande 2.6 GHz également proposée, un calcul similaire sur la base des enchères allemande permet d'envisager au total près de trois milliards d'euros pour le budget de la défense, soit un milliard de plus que ce qui est budgété. Ceci permettrait d'éponger les frais d'essence en forte hausse, les frais d'opérations extérieures sur plusieurs fronts et le retard des cessions immobilières. Un soulagement évident pour le Gérard Longuet confronté depuis le début de son mandat à une situation budgétaire délicate

 

  • - N'oublions pas, dans cette analyse, les autres bénéficiaires indirects de ces enchères! L'ARCEP vient en effet de confirmer que les infrastructures du haut débit mobile interfèreront avec les dispositifs de réception de la TNT pour 150 000 à 500 000 foyers. Ces derniers bénéficieront d'une aide financière pour la mise en place de systèmes de réception de télévision par satellite.

 

Quelle conclusion tirer de cette analyse? Certainement que les négociations en cours pour finaliser les conditions d'attribution des licences 4G ne doivent pas être simples; d'un côté la loi Pintat demande clairement que les fréquences du très haut débit mobile soient attribuées dans un cadre d'aménagement des zones moins denses, pour éviter une nouvelle fracture numérique. De l'autre, le budget de l'Etat, et plus précisément celui de la Défense, exige de valoriser les actifs de l'Etat au maximum de leur valeur. Pour finir, ce débat a lieu dans un calendrier très serré pour obtenir le déblocage des fonds avant la fin de l'année...Pas facile, dans ce contexte, d'organiser l'appel d'offre. Rendons hommage aux équipes de l'ARCEP qui, du dossier de la fibre optique à celui du très haut débit mobile, marchent sur des oeufs.

 


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20 septembre 2010 1 20 /09 /septembre /2010 13:13

arcep-logo-new_00FA000000542611.jpgIl faut rendre hommage à l'ARCEP (Autorité de Régulations des Communications Electronique et des Postes) et à son Président, Jean-Ludovic Silicani, pour l'énergie dépensée à organiser le marché des télécommunications dans notre pays, surtout au moment charnière que constitue cette année 2010. Je ne suis d'ailleurs pas surpris quand le Président Silicani affirme que l'ARCEP est au moins deux fois plus productive que ses collègues européens tant le rythme des publications et consultations publiques est élevé, et tant les décisions structurantes (nouvel opérateur 3G, enchères pour les fréquences mobiles 3G et 4G, cadre réglementaire du FTTH, montée en débit...) se succèdent.

 

parlementL'ARCEP évolue dans un cadre juridique fixé par le Parlement; celui-ci a donc un devoir de suivi des actions de l'Autorité, surtout en ces temps de grande activité. C'est la raison pour laquelle le Président Silicani a été entendu par la Commission des Affaires Economiques de l'Assemblée Nationale, le 8 Septembre dernier. Un compte-rendu complet permet de lire le détail des questions posées par les députés, et les réponses de Jean-Ludovic Silicani. Plusieurs prises de position, notamment sur le financement de la fibre optique (la taxation des paires de cuivre de l'opérateur historique considéré comme une "fausse bonne idée" par l'ARCEP) ont été abondamment relayées par la presse. Nous n'y reviendrons pas. En revanche, une phrase du Président Silicani a résonné à nos oreilles comme un avertissement habile, et une façon de prévenir députés et citoyens d'un paradoxe qui dépasse la compétence de l'ARCEP mais qui va sans doute devoir être tranché dans les semaines qui viennent.

 

Il s'agit du cadre réglementaire qui organise les enchères pour les fréquences du très haut débit mobile. Une consultation publique de l'ARCEP va permettre de recueillir et de synthétiser les propositions de chacun des acteurs, sur la base d'un schéma déjà très avancé proposé par l'Autorité; mais c'est le Ministre en charge des télécommunications qui tranchera et signera l'arrêté de publication des règles officielles, ce que n'a pas manqué de rappeler Jean-Ludovic Silicani. En effet, le sujet est sensible: si la mise à disposition des fréquences devrait rapporter plusieurs milliards d'euros à l'Etat, la loi Pintat fixe au très haut débit mobile un objectif prioritaire d'aménagement du territoire. C'est la raison pour laquelle le Président de l'ARCEP indique finement:

 

"le Gouvernement devra procéder à un arbitrage entre recettes budgétaires et degré d’ambition en matière d’aménagement du territoire : plus les obligations faites aux opérateurs seront fortes, moins les recettes budgétaires seront élevées. C’est un choix politique, il appartient au Gouvernement, mais celui-ci devra respecter la loi."

 

enchèresLe message est clair, et pourtant il est passé relativement inaperçu. Les députés n'ont pas spécifiquement réagi à cette affirmation dans la suite de l'audition. Pourtant, le dilemme est bien posé entre des spécifications d'enchères souples, peu contraignantes, susceptibles de favoriser la concurrence entre opérateurs pour des fréquence rares, peu nombreuses, et particulièrement intéressantes, dont le produit a rapporté 4.38 milliards d'euros à l'Allemagne, et une réglementation attentive à prévenir la fracture numérique par une couverture rapide et complète du territoire, au risque de geler l'appétence des opérateurs pour les fréquences, et de fortement diminuer les rentrées d'argent public. En ces temps de disette budgétaire, il est évident que le gouvernement et l'ARCEP seront soumis à des pressions fortes pour maximiser le revenu des enchères, bien qu'il faille aussi respecter la loi.

 

Jean-Ludovic Silicani le dit clairement: le choix est politique! A ce titre, nous sommes sollicités comme citoyens pour entrer dans ce débat, une fois les enjeux clairement posés. Plusieurs questions se posent à nous:

 

- la crise économique et les difficultés budgétaires de la France modifient-t-elles l'objectif prioritaire d'aménagement du territoire du très haut débit mobile au profit d'un objectif de maximisation du produit des enchères "4G"?

 

- est-il normal, alors que les discussions commencent sur la loi de finances 2011, que le produit des enchères soit prévu d'être alloué au Ministère de la Défense, et que le produit des enchères soit évalué à €1.5 milliards, soit €3 milliards de moins qu'en Allemagne? N'est-ce pas une façon habile d'échapper au programme d'économies demandé par Bercy?

 

Les discussions informelles sont évidemment déjà engagées entre gouvernement et opérateurs pour trouver un compromis entre recettes et contraintes d'aménagement du territoire. Notre avis est que les fréquences du très haut débit mobile, et en particulier celles inférieures à 1 GHz, possèdent un caractère si stratégique qu'elles seront certainement très disputées, quelques soient les contraintes de déploiement; l'exemple allemand en témoigne. En revanche, le choix du gouvernement d'allouer les fonds recueillis au budget de l'armée paraît singulier et discutable. L'Allemagne a utilisé les €4.4 milliards pour réduire son déficit. Que fera la France? 

 


 

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8 septembre 2010 3 08 /09 /septembre /2010 19:30

pmr1.jpgLa question mérite bien d'être posée: pourquoi les services de pompiers, police, gendarmerie et autres constituants de la sécurité des pays ne bénéficieraient-ils pas des meilleures avancées dans le domaine des réseaux de communication? Ce débat existe aujourd'hui de manière particulièrement sensible outre-atlantique car la tragédie du 11 Septembre 2001 a mis en lumière l'inefficacité de réseaux non interopérables, peu résilients, aux performances souvent inférieures à celles des systèmes grands publics, au point que certains centres de commandement américains ont du faire face au terrible attentat en échangeant par coursier des messages écrits à la main! 

 

pmr3.jpgL'importance de cette question aux Etats-Unis a abouti à la mise aux enchères par l'organe de régulation des communications électroniques, la FCC, d'une tranche significative de spectre pour la mise en place d'un réseau de communications dédié à la sécurité civile. Ceci dit, les partisans d'un tel réseau se heurtent à ceux qui pronent la mise en place de réseaux mobiles commerciaux dont les services de sécurité pourraient pré-empter la capacité en cas de besoin. Ce dernier schéma présente en effet l'avantage d'être nettement plus économique dans sa conception, même si la complexité des règles de réquisition et de partage du réseau entre grand-public et services de sécurité n'est pas simple à résoudre. Le débat n'est toujours pas véritablement tranché, mais une chose est sure: le futur réseau reposera sur le standard LTE (certes avec des spécifications particulières relatives aux contraintes spécifiques des réseaux de sécurité nationale), non pas qu'un choix ait été techniquement réalisé contre le Wimax, mais les fréquences allouées sont dans la bande 700 MHz, non encore standardisée en Wimax; de plus Verizon et AT&T déploient déjà des réseaux LTE dans cette bande. Enfin, il est maintenant établi que le LTE sera déployé dans des volumes mondiaux nettement plus importants que le Wimax, ce qui permettra des économies d'échelle et des coûts de réseaux plus faibles. En conclusion, dans peu de temps, les unités de sécurité américaines disposeront du très haut débit mobile:transmissions en vidéo haute-définition, échange rapide de fichiers volumineux, accès instantané aux bases de données sont pour demain.

 

Les dizaines de milliards de dollars que représentent ce marché public, ou public-privé, selon les choix restant à confirmer, font d'ailleurs l'objet des plus grandes convoitises de la part des équipementiers de réseaux. Depuis cet été, de multiples annonces et alliances ont vu le jour pour tenter d'influencer le futur choix des heureux fournisseurs, d'autant que l'aspect plus spécifiquement sécuritaire du gigantesque projet écarte à-priori les redoutables concurrents chinois, une fois n'est pas coutume. Ainsi Ericsson vient-il d'annoncer une alliance forte avec l'américain Motorola, déjà détenteur de plusieurs projets de déploiement pour des municipalités américaines, dont celui de la baie de San Francisco. Plus tôt dans l'été, Alcatel-Lucent se félicitait de passer la première communication LTE sur des fréquences destinées à la sécurité civile, démontrant ainsi la force de son alliance avec EADS Défense et Sécurité. Une grande bataille est donc engagée, illustrant encore un peu plus l'importance de cette région nord-américaine pour les équipementiers occidentaux en mal de croissance de revenus.

 

pmr2.jpgEt en Europe?  Pourquoi n'évoque-t-on pas autant ces sujets dans un pays comme la France? Tout simplement parce que l'Europe a fait le choix de réseaux numériques de sécurité civile fonctionnant avec la norme Tetra, dont les principaux fournisseurs mondiaux sont...EADS et Thales! Ainsi les institutions de sécurité civile se sont-elles plutôt attelées à rendre interopérables les réseaux de communications Tetra des différents services (projet Antares en France), plutôt que de réfléchir comme aux Etats-Unis à une remise à plat complète des infrastructures à l'occasion de la révolution technologique du très haut débit mobile. La seule question à poser est celle des performances: la norme Tetra est-elle à même de suivre les évolutions techniques, déjà disponibles pour le grand-public, vers le haut et le très haut débit ? Les industriels de la sécurité civile planchent déjà sur ce sujet, et l'annonce récente de Thales et Samsung vient confirmer la convergence attendue entre les réseaux PMR (Public Mobile Radio) Tetra et les normes LTE et Wimax. Nul doute qu'Alcatel-Lucent et EADS ne resteront pas immobiles face à cette alliance franco-coréenne.

 

Le mouvement de fond est donc amorçé pour transformer ces réseaux de sécurité civile à la mesure de leur importance dans un monde secoué par des catastrophes de toutes sortes. La convergence entre les technologies publiques les plus avancées et celles utilisées spécifiquement par nos pompiers, nos policiers et nos militaires est une bonne nouvelle, car souvent ces derniers ont-ils été en retard d'un wagon dans l'évolution des performances. Combien d'agents de sécurité utilisent-ils leur portable GSM ou 3G a des fins professionnelles, pour des raisons de simplicité ou d'ergonomie? Ils ont droit aux meilleurs outils, autant sinon bien plus que tout un chacun.

 

Sources:

 

(1) Alan Weissberger - « Still no nationwide stafety network » - viodi.com - 7 septembre 2010

(2) Edouard Wyatt – « 9 years after 9/11, public safety radio not ready » - nytimes.com – 6 septembre 2010

(3) Olivier Cimelière – « Alliance entre Ericsson et Motorola pour fournir des solutions LTE dans le domaine de la sécurité publique » – Blog-ericssonfrance.com – 8 septembre 2010

(4) « Thales et Samsung apportent la 4G aux téléphones mobiles du secteur public » - Silicon.fr - 8 septembre 2010

(5) « Alcatel-Lucent et EADS présentent une première du secteur de la sécurité publique » - alcatel-lucent.com - 29 juillet 2010

(6) « Quel avenir pour Tetra ? » - techniques-ingenieur.fr - 23 juillet 2009

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 23:50

marianne-copie-1.jpg L'été sera chaud pour les cabinets ministériels, peut-être même pour le gouvernement lui-même. Au plus tard en octobre, une redéfinition des portefeuilles s'effectuera pour préparer la future campagne présidentielle de 2012. C'est peut-être aujourd'hui le moment de rêver à un grand ministère du numérique doté d'une administration en propre, et qui coordonnerait toutes les actions en cours dans ce vaste secteur si important pour la reprise de la croissance.

 

france numériqueDans le cadre des assises des territoires ruraux en Février 2010, le très haut débit et le développement des usages numériques est arrivé en première place dans les préoccupations des élus. En conséquence, le Président, le Premier Ministre et plusieurs ministres n'ont pas ménagé leurs efforts pour mettre en place un plan ambitieux, dont les ramifications sont industrielles, culturelles, comportementales sans parler des enjeux forts d'e-éducation, de e-santé, d'aménagement du territoire et de lutte contre la fracture numérique. Cet aspect transversal explique pourquoi Nathalie Kosciusko-Morizet, Michel Mercier, Frédéric Mitterrand et Christian Estrosi sont tour à tour impliqués dans le développement numérique de notre pays, certes en bonne intelligence mais également pris dans le tourbillon de leurs autres engagements. Même la Secrétaire d'Etat chargée du développement de l'économie numérique a aussi une autre charge, celle de la prospective, comme si le numérique en soi ne pouvait être une activité à part entière. De la même façon, le volet numérique du grand emprunt a attiré la convoitise de plusieurs ministres, que ce soit pour la numérisation des ouvrages de la bibliothèque nationale ou pour la microélectronique, chaque administration cherchant à tirer un bénéfice de cette manne de €4.5 Milliards.

 

François Fillon, qui fut Ministre délégué à la Poste, aux Télécommunications et à l'Espace, et qui laure-de-la-raudiere.jpgs'investit particulièrement fort dans le développement du numérique, devrait être sensible à cette idée d'un grand ministère du numérique portée notamment par la députée Laure de la Raudière et par Nathalie Kosciusko-Morizet (dont les propositions en ce sens ne datent pas d'hier, disait elle encore récemment dans la Tribune BFM TV) dans des prises de positions argumentées qui ont pour objet de garder la France dans les premières places de ce secteur. Oui, nkmla France commence a perdre des places dans le classement mondial, notamment en ce qui concerne les politiques gouvernementales. Est-ce étonnant quand la Secrétaire d'Etat en charge de ce développement ne dispose d'aucune administration, et ne doit compter que sur onze collaborateurs, dont plusieurs travaillent sur le sujet de la prospective, chiffre qui devra être ramené à quatre au cours de l'été, compte tenu des nouvelles directives gouvernementales ? 

 

Il est sans doute possible de revoir l'organisation des ministères pour rendre au secteur du numérique l'importance qui lui est due; peut-être même la mise en commun des forces permettrait-elle de faire des économies, d'augmenter l'efficacité globale et de mieux réussir ce chantier essentiel du XXI siècle, dont l'importance politique augmente au fil des années. Espérons qu'un gouvernement resserré ne mettra pas aux oubliettes, ou en queue de peloton, cette activité de développement du numérique en France.

 


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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 13:59

encheres.jpgDans un premier article, nous nous étions déjà interrogés sur le sort des milliards d'euros issus du produit de l'allocation à venir, l'an prochain, des fréquences du très haut débit mobile. Les récentes informations concernant le montant du budget du Ministère de la Défense, et sa coupe de 3.5 milliards d'ici 2013, permettent aujourd'hui d'y voir un peu plus clair: contrairement aux fréquences allouées pour la 3G, dont le produit a été intégralement versé au fond de réserve pour les retraites (FRR), nous apprenons que les enchères 4G profiterons au moins en partie aux armées, ce qui, dans la période de réforme que nous connaissons, peut réellement surprendre. Cela mérite au moins quelques éclaircissements.  

 

 

Pourquoi l'armée ? Tout simplement parce que celle-ci pâtit des décisions européennes, validées par la France, visant à harmoniser le spectre destiné aux communications électroniques civiles en 4G:

felin.jpg- la bande 830-860 MHz, située au sein du fameux "dividende numérique" 790-862 MHz alloué aux télécommunications, est actuellement utilisée pour le système Felin (Fantassins à Equipements et Liaisons INtégrées).

- la bande 2.6 GHz est utilisée par la gendarmerie pour son système de communications transmises par faisceaux hertziens, appelé Rubis (Réseau Unifiée Basé sur l'Intégration des Services).

 

 

En 2008, déjà plusieurs ministères lorgnaient sur le produit de la vente des fréquences 4G dans les bandes 800 MHz et 2.6 GHz: Bercy voulait récupérer les sommes attendues, l'Elysée a préféré favoriser l'armée. Dans la loi de programmation militaire 2009-2014 il est clairement institué que le Ministère de la Défense recevra ces sommes en propre sous forme de recettes exceptionnelles. Une première, et une négociation judicieuse car les sommes prévues sont largement sous-estimées. Dans la loi, 1.5 milliards d'euros sont prévus au titre de la cession des fréquences, 600 arcepmillions en 2009 et 2010, et 250 millions en 2011. Le calendrier a pris du retard: 2010 a été consacré au dossier des fréquences 3G restantes, qui ont généré 822 millions d'euros de recettes (582 millions provenant de SFR et Orange, 240 d'Iliad); mais cette somme était destinée au FRR. L'armée n'a donc rien obtenu en 2009, et les dernières annonces du régulateur des télécommunications (l'ARCEP) font état d'une attribution des fréquences au plus tard à l'été 2011. Le paiement aura donc lieu la même année, et aucun euro ne sera versé en 2010. 

 

S'il est établi que le calendrier d'obtention de ces recettes exceptionnelles provenant des fréquences 4G est fantaisiste, restons quelques instants sur le montant prévu. Est-il réaliste ? Pourquoi 1.5 milliards d'euros ? L'exemple allemand est assez instructif: des enchères bien menées ont rapporté 4.4 milliards d'euros outre-rhin, dont plus de 3 milliards d'euros pour les seules fréquences du dividende numérique. Pourquoi en serait-il autrement en France ? Ces fréquences, dont les caractéristiques techniques sont particulièrement recherchées, présentent une forte attractivité. De plus, l'arrivée d'un quatrième opérateur sur le marché français ravive la concurrence. Certes, l'ARCEP envisage une pondération des prix par les engagements des opérateurs en matière d'aménagement du territoire, mais il est légitime d'envisager un doublement des recettes initialement prévues par l'armée.

 

Ce n'est pas tout. Non contente d'avoir obtenu ces recettes exceptionnelles, la Défense s'interroge aujourd'hui sur le coût de désengagement des systèmes utilisant les fréquences cédées aux communications civiles, pour les faire migrer vers de nouvelles fréquences. Ce coût est connu: 118 millions d'euros seront nécessaires pour adapter "Felin", dont il faut changer la partie radio. Un contrat juteux pour SAGEM, fournisseur actuel du système. Pour Rubis, le budget parlementpour la modification de 770 stations hertziennes est de 68 millions d'euros, pris en charge par le fonds de réaménagement du spectre. Interrogé récemment par la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, le général Puget, chargé des fréquences à la Défense, a défendu le principe que ces 118 millions soient reversés à l'armée en plus du produit de la cession des fréquences. Résultat: si on ajoute le dividende numérique, la bande 2.6 GHz et le coût de désengagement, ce sont près de 3.5 milliards d'euros qui pourraient bien être donnés à l'armée en 2011, soit une plus-value de 2 milliards par-rapport aux prévisions actuelles. Cela permettrait de largement combler les 1.5 milliards d'euros d'économie réelle (hors recettes exceptionnelles) demandés d'ici 2013. Bravo.

 

De l'ensemble de ces faits, quelques questions découlent:

- pourquoi les cessions aux opérateurs des fréquences 4G prises aux militaires reviennent-elles directement au budget de la Défense, alors que ce n'avait pas été le cas pour la 2G et la 3G (le général Puget admet lui-même au cours de son audition que "quand la Défense a abandonné les fréquences GSM et UMTS, elle n'a pas envisagé de se faire payer") ?

 

 - pourquoi, alors qu'aujourd'hui les questions de retraite et de déficit budgétaire sont si importantes, privilégie-t-on l'armée pour la cession de ces ressources rares (après tout Felin n'utilise que 30 MHz des 72 MHz du dividende numérique...) ?

 

- pourquoi ne clarifie-t-on pas au plus vite dans la loi de programmation la question du montant, ou au moins de la fourchette, que la France peut obtenir des enchères 4G, au vu des résultats allemands et américains ?  

 

- pourquoi ces montants importants ne serviraient-ils pas à financer le très haut débit au sens large, et pourquoi pas au fonds d'aménagement numérique du territoire que le Sénateur Maurey cherche à rendre pérenne (au lieu d'une nouvelle taxe...) ? 

 

"Les Français ne comprendraient pas que le ministère de la défense soit le seul à ne pas participer à l'effort demandé à l'ensemble de la nation dans la lutte contre les déficits", avait déclaré en juin le ministre de la Défense Hervé Morin. C'est bien la raison pour laquelle ce sujet de la cession des fréquences est à la fois intéressant, et surprenant. Il pourrait bien devenir choquant.

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17 juin 2010 4 17 /06 /juin /2010 17:43

 

invitation-THD2010-copie-1.jpg

 

Organisée par Aromates Relations Publiques et l'IDATE (Institut de l'Audiovisuel et des Télécommunications en Europe), cette quatrième occurrence des assises du Très Haut Débit a tenu les promesses qu'auguraient un programme riche et des intervenants sous les feux de l'actualité. Positionné deux jours après la publication du Programme gouvernenmental pour le Très Haut Débit, cinq jours après la mise à disposition par l'ARCEP d'une proposition de décision sur le cadre règlementaire de la fibre dans les zones peu denses, le colloque a permis à Michel Mercier, Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Ludovic Silicani d'expliquer par oral les mesures proposées et d'écouter les premières réactions suscitées par leurs textes. Traditionnellement appréciées des représentants des collectivités locales, les assises ont montré toute l'importance d'une coordination publique-privée pour homogénéiser le déploiement de la fibre sur des territoires divisés en zones 1, 2 et 3, éligibles selon les cas aux guichets de soutien public A, B ou C, créés dans le cadre du Grand Emprunt. Une complexité du dispositif rendue nécessaire par la flexibilité donnée aux différents acteurs économiques, opérateurs, ou collectivités, de s'engager dans ce grand chantier du Très Haut Débit et de bénéficier de l'effet de levier des deux milliards d'euros mis à disposition par l'Etat.

 

FibreL'objectif est simple: accélérer le déploiement de la fibre dans tous les territoires, et éviter une fracture numérique dont plusieurs élus ont rappelé qu'elle pré-existait dans de nombreuses communes parfois encore limitées à un débit de 56 kb/s, bien loin des 100 Mb/s promis par la fibre. Faut-il des étapes technologiques intermédiaires ? La question a été clairement posée. La modernisation des infrastructures de l'opérateur historique, également appelée "montée en débit" pourrait ainsi également bénéficier des subsides d'état dans un cadre réglementaires restant à définir. Avançant ses pions, Eutelsat était aussi présent et indiquait pouvoir faire bénéficier d'un débit descendant de 50Mb/s à 500,000 personnes grâce à un satellite de nouvelle génération, projet dont la recherche et développement pourrait être subventionnée par l'Etat. Une solution non disponible avant 2014, et dont les limitations technologiques en latence et débit montant ont été habilement passées sous silence. La place des technologies hertziennes terrestres a elle aussi été évoquée, Jean-Ludovic Silicani expliquant notamment que la procédure d'allocation des licences de la 4G mobile préparée par l'ARCEP allait être suffisamment "créative" pour contribuer à l'objectif général d'aménagement numérique du territoire; une déclaration importante, qui pourrait permettre aux "oubliés du haut-débit" de passer de 56 kb/s à environ 10 Mb/s en moyenne (débit descendant), comme le montrent les premiers résultats du LTE dans les villes de Stockholm et Oslo, bien plus rapidement qu'avec la fibre ou même qu'avec un satellite large bande encore hypothétique.

 

Tous les participants s'accordaient sur un financement nécessaire de 30 milliards d'euros pour déployer le très haut débit en France, une somme importante en ces temps de rigueur budgétaire. Mais les chiffres sont là: 2 milliards d'euros du grand emprunt vont générer un investissement complet public-privé de 7 milliards, selon Nathalie Kosciusko-Morizet, dans les zones 2 et 3. A cette somme s'ajoutera les investissements des opérateurs (Orange, SFR, Iliad, Numéricable et Bouygues Telecom) pour les zones denses, soit encore 10 à 15 milliards sur les quinze prochaines années. Reste 10 milliards à trouver, qui seront financés par l'Etat par la pérennisation du fonds d'aménagement numérique des territoires crée par la loi Pintat, amorcé par le Grand Emprunt, alimenté ensuite par un dispositif mis au point par le Sénateur Hervé Maurey. Celui-ci évoque une somme à trouver par an comprise entre 500 millions et 1 milliards d'euros, par la création d'une nouvelle taxe dont la nature n'est pas encore figée. Cette somme est à peu près en ligne avec les conclusions du rapport réalisé par le cabinet TACTIS à l'intention de Michel Mercier en Février 2010. A titre d'exemple, et peut-être pour préparer les esprits, le Sénateur Maurey indiquait qu'une augmentation de deux euros par mois des abonnements haut-débit pourrait être une piste suffisante, pas trop douloureuse, pour alimenter le fonds. En tout état de cause, l'addition est assez convaincante: les financements sont là. Aux acteurs économiques de s'organiser en bonne intelligence pour obtenir une couverture propre à la mise en place de services à l'échelle nationale.

 

Google-tv-adsCar le défi est également de remplir les tuyaux très haut débit de contenus et d'applications qui provoqueront cette révolution des usages et créeront de la valeur. Beaucoup d'exemples ont été donnés: e-éducation et télémédecine pour rapprocher virtuellement les zones les moins pourvues en écoles, médecins et hôpitaux des centres les plus renommés. Vidéoconférence haute-définition pour compenser l'éloignement et économiser en CO2. La neutralité des réseaux a également été évoquée par le représentant de Skype, promoteur d'une ouverture plus large aux applications de l'internet, et par Pierre Louette, Secrétaire général de France Telecom, a qui le Président de Google aurait dit:"construisez les réseaux, nous prendrons l'argent".

 

L'ensemble du colloque était couvert en direct sur Twitter (sous le hashtag #THDAN) où une discussion parallèle animée avait lieu, montrant bien la multiplication des canaux d'information et des usages numériques. Espérons que les Assises de l'an prochain montrerons les premiers résultats d'une politique publique que l'on peut qualifier de volontariste, et courageuse.

 


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7 juin 2010 1 07 /06 /juin /2010 09:11

tv-mobile.jpgAlors que des millions de mobinautes se sont aujourd'hui habitués à surfer sur leur mobile pour y trouver leurs chaînes favorites, grâce aux performances des réseaux 3G (Orange France annonçait fin 2009 trois millions d'utilisateurs réguliers de ses services de TV sur 3G), et aux hotspots wifi,  les medias évoquent encore régulièrement la mort, puis la renaissance de la fameuse "TMP". L'acronyme signifie bien "Télévision Mobile Personnelle", ce qui rend perplexes certains observateurs: comment cette TMP pourrait-elle bien mourir, alors que l'offre Freebox TV est disponible sur iPhone/iPad ou que TF1 propose de suivre la coupe du monde sur son smartphone ? L'explication est simple: cette communication parfois opaque cache une guerre des standards. Si les réseaux 3G (et bientôt 4G) permettent en effet d'accéder à la télévision, d'autres propositions industrielles aimeraient aussi voir le jour en France.


DVB-H.jpgRappelons les faits. Depuis 2005, de nombreuses expérimentations ont eu lieu en France et en Europe. La Commission européenne a annoncé son soutien en 2007 au standard DVB-H, déclinaison pour les appareils mobiles de la norme DVB-T utilisée pour la télévision numérique terrestre. Les deux grand concurrents de cette norme étaient le T-DMB sud-coréen, et la technologie "Media-Flo", soutenue par l'américain Qualcomm. A la suite de cette décision le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel français a lancé une consultation pour l'attribution de treize chaînes privées destinées à être diffusées sur Télévision Mobile Personnelle, en Mai 2008. Depuis, le dossier s'est enlisé devant le peu d'empressement des opérateurs mobiles à investir dans un nouveau réseau dédié à la TMP, quand l'engouement des abonnés pour la TV sur 3G paraissait amplement suffisant. Le modèle économique de la TMP n'a pas été trouvé suffisamment convainquant. La nomination en Février 2009 par le gouvernement d'un médiateur, Cyril Viguier, pour une mission de quelques mois, a mis de nouveau en lumière dans son rapport le refus d'Orange, SFR et Bouygues de financer le réseau TMP avant plusieurs années. Deux scenarii possibles étaient alors envisagés:

- l'option de repli par la constitution d'une société ad-hoc de financement qui signerait un contrat avec le multiplex pour acheminer son signal, et qui se rétribuerait auprès des distributeurs;

- l'option préférentielle d'un opérateur de multiplex constitué d'au moins deux opérateurs mobiles majeurs sur trois, et des éditeurs, dont l'obligation de couvrir 30% du territoire en 3 ans pourrait être allégée.

 

Pendant ce temps aucun signe d'encouragement ne venait de l'étranger. Les seuls marchés où la TMP était lancée à grande échelle ne présentent pas de résultats vraiment positifs: en Corée du Sud et au Japon, les services TMP payants ont des difficultés à trouver leur public. En Espagne, la TMP a même été officiellement abandonnée le mois dernier par le ministère de l'industrie. Aux Etats-Unis, Qualcomm a été obligé de nier la semaine dernière vouloir se séparer de sa technologie "Media-Flo", mais a tout de même évoqué des chiffres de ventes décevants. Devant l'absence de volumes suffisants, l'écosystème peine à se mettre en place; les terminaux restent chers, et leur choix insuffisant face à l'offre 3G.

 

Dans ce contexte, le gouvernement français s'est pourtant obstiné à vouloir trouver une solution pour la TMP, car notre pays dispose d'un tissu de PME dynamiques dans ce secteur, Alcatel-Lucent veut développer une alternative DVB-SH (susceptible de baisser les coûts de diffusion) et TDF, dont une partie du capital est toujours propriété de l'Etat,  et qui s'est séparé du quart de ses effectifs en 2009, compte beaucoup sur ce relais de croissance. Ce dernier était d'ailleurs prêt à financer une partie importante du réseau. Prenant acte de ce déblocage de la dernière chance, le CSA a confirmé début avril les autorisations des chaînes TMP, donnant deux mois aux sociétés pour constituer une organisation commune susceptible d'assurer les opérations techniques nécessaires à la diffusion des signaux. Enfin, la signature d'un accord entre TDF et le groupe Omer (propriétaire de Virgin Mobile, Tele2 Mobile, Breizh Mobile et Casino Mobile) a rassuré le gouvernement. Le CSA devrait annoncer aujourd'hui la désignation de TDF comme opérateur multiplex par les treize chaînes TMP privées et les trois publiques, pour un réseau lancé au second semestre 2011 et qui couvrira 2500 communes, et 50% de la population.

 

 

 

Mediaflo-copie-1.jpgCette renaissance de la TMP passe aussi par d'âpres discussions en coulisses sur le standard qui sera utilisé par TDF pour construire le réseau de diffusion. Le DVB-H, bien que standard choisi au niveau européen, ne semble plus être la piste privilégiée; plusieurs alternatives s'affrontent, l'une portée par Alcatel-Lucent, pour le DVB-SH, l'autre par Qualcomm, pour "Media-Flo". L'enjeu est considérable, et très politique:

- il en va de la survie du standard américain dont nous avons déjà souligné plus haut la manque de succès outre-atlantique. Qualcomm pourrait ainsi mettre sa puissance financière dans la balance et financer une partie non négligeable des coûts;

- par-ailleurs, la sélection du DVB-SH pourrait consolider un écosystème encore fragile (dont un tissu de PME françaises), sur lequel compte Alcatel-Lucent pour rentabiliser ses investissements et développer l'activité dans d'autres pays;

- la norme chinoise CMMB, elle-aussi évoquée par TDF, sert peut-être d'argument de négociation pour améliorer l'offre de Qualcomm, mais ne paraît pas politiquement crédible

 

Dans ce contexte il sera intéressant de décrypter le choix final de TDF, et de juger si finalement la technologie sera assez mature l'an prochain pour permettre un retour sur investissement, suscitant ou non l'intérêt des consommateurs. Peut-être les réseaux 3G seront-ils davantage saturés; les fréquences adjugées pour la 3G et bientôt pour la 4G permettent d'en douter, à moins d'un gigantesque "effet tablette" qui obligerait les opérateurs à décharger leurs réseaux en toute hâte. Mais si les consommateurs devaient finalement rejeter la TMP, ce serait une nouvelle preuve qu'il est délicat d'imposer une norme au marché, quels que soient les efforts politiques et industriels réalisés.


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1 juin 2010 2 01 /06 /juin /2010 09:44

arcepAprès le temps de la discussion vient le temps de l'action; ces prochaines semaines le démontreront certainement sur le dossier ô combien attendu du très haut débit, après des mois, voire des années de préparation et de délibération. A quelques signes clairs on observe que les acteurs principaux impliqués dans ce projet avancent leur pions et accentuent la pression sur les instances réglementaires et le gouvernement; l'ARCEP concentre dernièrement la plupart des critiques, qu'on l'accuse du retard de la mise en place de la fibre optique en France ou d'une régulation asymétrique qui affaiblirait l'opérateur historique. 

 

Ces tirs nourris ne sont pas l'objet d'un hasard de calendrier; oui l'ARCEP a un rôle d'une importance capitale, historique, dans la constitution du cadre réglementaire qui permettra enfin aux zones moyennement ou peu denses du territoire national de bénéficier très haut débit, qu'il soit fixe ou mobile. Rappelons d'un mot que cela ne se fera qu'au prix de décisions difficiles, car l'investissement, à la fois massif et d'une rentabilité de long-terme, ne se fera qu'à l'aide de deniers publics, et peut-être au prix d'une redéfinition d'un certain nombre d'éléments constitutifs du marché:

 

Fibre- position dominante de l'opérateur historique à l'accès fixe: Stéphane Richard le sait bien, le sort de la rente de la location du réseau d'accès en cuivre de France Telecom (9€ par mois et par abonné) est en jeu. Certains préconisent la taxe de ces revenus de location pour inciter l'opérateur historique à investir dans la fibre, et récupérer des fonds publics récurrents. D'autres, comme l'Association des Villes et Collectivités pour les Communications Electroniques et l'Audiovisuel, verraient bien la séparation structurelle de France Telecom et l'utilisation de la rente du cuivre pour un grand programme de construction mutualisée du très haut débit fixe dans notre pays. L'Italie, elle, propose un mécanisme de "switch-off" du cuivre s'inspirant du passage à la TNT.

 

- concurrence par les infrastructures: la question est récurrente, mais elle est posée une fois de plus. Faut-il imposer la construction, dans les zones dites "non économiquement rentables", d'un réseau unique co-financé par un nouvel opérateur créé de toutes pièces et dont le capital serait constitué d'un mélange de fonds publics et privés ? Ou bien faut-il organiser une concurrence artificielle en subventionnant les projets d'opérateurs privés dans ces zones, avec des appels d'offres au cas par cas, et un maillage dont la cohérence sera difficile à administrer malgré la bonne volonté évidente des collectivités locales ? La réponse est loin d'être simple; les démêlés actuels du projet de couverture en fibre optique du département des Hauts-de-Seine, et la réquisition du rapporteur du Tribunal administratif de Versailles en faveur de l'annulation de la Délégation de Service Public, jettent un éclairage particulier sur les conséquences de la concurrence acharnée entre Colt, SFR, Iliad et France Telecom dans ce territoire. Bien sûr les enjeux seront moins importants dans la Creuse ou la Lozère, mais l'abondance d'argent public sera certainement source de conflits et de retard dans la réalisation des réseaux.

 

- nouvelles taxes: si le Grand Emprunt amorcera l'investissement de l'Etat dans le réseau très haut débit, à hauteur de deux milliards d'euros (dont 750 millions seront versés au fonds d'aménagement numérique des territoires créé par loi Pintat), le Président de la République a chargé le Sénateur Hervé Maurey de réfléchir à des moyens d'alimenter ce fonds de manière récurrente. Celui-ci rendra publiques en Juin les premières pistes de réflexion, notamment à l'occasion d'un colloque qui s'annonce passionnant. Inévitablement, ce sont de nouveaux prélèvements qui seront proposés pur péreniser le nécessaire mécanisme de péréquation géographique.

 

- l'apport du dividende numérique: les licences d'utilisation des fréquences du dividende numérique pour le très haut débit mobile feront probablement l'objet d'un traitement particulier, car elles peuvent rapporter beaucoup d'argent à l'Etat, au moins à deux titres. Comme les enchères publiques en Allemagne l'ont montré, les comptes publics peuvent ainsi bénéficier de plusieurs milliards d'euros supplémentaires, ce qui pourrait bien apporter une marge de négociation LTE-copie-1supplémentaire à des discussions difficiles sur les retraites. Mais l'utilisation intelligente des technologies mobile de quatrième génération (LTE) peut aussi permettre à certains territoires difficiles d'accès, ou particulièrement peu denses, de bénéficier du très haut débit (THD) plus rapidement que par le déploiement hypothétique de la fibre optique. Cela peut aussi générer des économies importantes pour parvenir à l'engagement du Président de raccorder 70% des usagers français au THD d'ici 2020. Pour cela, les dispositions de licences devront être particulièrement explicites en ce qui concerne le déploiement en zones peu denses, que les opérateurs couvrent d'ordinaire en dernier. De la même façon, il faudra s'interroger sur la répartition des fréquences entre opérateurs, pour optimiser les performances des réseaux mobiles 4G; en effet, une dispersion des fréquences entre les quatre opérateurs aurait pour effet de faire baisser le débit de chaque réseau, celui-ci étant proportionnel à la largeur de spectre utilisée. Là aussi, la question de la concurrence par les infrastructures se pose crûment. 

 

Les technologies de l'information, fer de lance de la reprise économique ? Oui, et la France s'est dotée d'outils comme le Grand emprunt qui peuvent contribuer à placer notre pays au tout premier rang des nations connectées, innovantes, efficaces. Mais pour cela il faut avoir le courage de prendre des décisions structurantes, dans un souci de réussite à long-terme, et sans forcément s'inspirer des modèles anciens. Ce n'est pas simple.

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18 mai 2010 2 18 /05 /mai /2010 19:08

antenne-copie-2L'étude épidémiologique Interphone avait pour objectif d'étudier s'il existait une relation entre l'usage du téléphone mobile et les tumeurs du cerveau. Ses résultats ont été publiés ce 17 mai, soit deux ans en retard sur le calendrier initial; dix ans de recherches ont été nécessaires pour obtenir une valeur statistique précise sur le cas de milliers d'usagers vivant dans treize pays, dont la France. Peut-on enfin tranquilliser les quatre milliards d'utilisateurs du téléphone portable ?


Les résultats sont certes globalement rassurants, car une corrélation statistique entre cancers et utilisation du portable n'intervient que dans le cas d'usage très intensif de celui-ci, supérieur à trente minutes par jour (et à partir de 1640 heures d'utilisation cumulée). Et le professeur Elisabeth Cardis, responsable de l'étude pour le centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), précise que ce résultat n'est pas entièrement significatif en raison d'erreurs possibles dans le recueil des données. D'ailleurs, même dans ce cas, le risque calculé est de l'ordre de dix fois inférieur à celui provoqué par d'autres substances cancérigènes connues, et il n'augmente pas linéairement avec l'exposition.

 

Faut-il pour autant en conclure que tout risque est écarté ? Malheureusement non. Les responsables de l'étude eux-mêmes demandent l'ouverture de nouvelles recherches pour pallier aux manquements d'Interphone.  Quels sont-ils ?

interphone.jpg- la méthodologie de l'étude repose sur des questions posées aux participants (durée et nombre d'appels téléphoniques, position du téléphone sur le crâne, utilisation ou non du kit main-libres, modèle du terminal, etc...). Or il est difficile de s'assurer de la véracité des déclarations qui ne sont soumises à aucun recoupement, par exemple avec les factures détaillées, ou d'autres données factuelles. Faites le test: combien de fois et pendant combien de temps avez-vous appelé la semaine dernière ? Sans références précises, la réponse ne peut être qu'approximative.


- l'étude n'est valable que pour des durées d'exposition inférieures ou égales à douze ans. Or certains cancers peuvent se développer pendant des durées plus longues avant d'être détectés.


- l'analyse permet de comparer les résultats entre les cas malades et les témoins sains. Or certains résultats montrent que les utilisateurs de téléphones portables seraient moins susceptibles de développer des cancers du cerveau que les non-utilisateurs, ce qui tendrait à prouver que l'usage d'un terminal mobile protégerait contre ces pathologies. Cette hypothèse est exclue par les chercheurs, ce qui implique encore probablement l'imprécision de l'acquisition des données, ou un problème d'échantillonnage de la population observée.


- l'usage des terminaux mobiles a considérablement évolué en dix ans. Le temps d'utilisation augmente avec les forfaits illimités, la part de téléphonie baisse proportionnellement au temps passé sur internet, ou a écrire des SMS; le téléphone est plus souvent calé dans la paume de la main que plaqué sur le crâne. Par-ailleurs, Interphone étudie des personnes de 30 à 59 ans, laissant complètement de côté les natifs numériques et la génération Y. Le manque de flexibilité du protocole expérimental, nécessaire à des résultats statistiquement probants, ne parvient pas à suivre les évolutions des usages technologiques.


Interphone laisse les décideurs politiques dans une véritable impasse. Que décider ? Doivent-ils passer outre les déficiences de l'étude et affirmer que tout risque est écarté ? Ou bien doivent-ils, au nom du principe de précaution, continuer sur la voie d'une baisse générale des seuils d'exposition aux ondes, et d'une modification des comportements (par le biais des oreillettes, et de l'interdiction du portable pour les enfants) ? Mais rassurons-nous: l'étude COSMOS vient d'être lancée et suit désormais 250.000 adultes, de 18 à 69 ans, dans cinq pays, pour des résultats qui seront disponibles...en 2030 au plus tôt !


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